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Reportage: La pression monte pour la libération du journaliste algérien Ihsane El Kadi - La Croix




Reportage


Cheikh Sidi Bémol s’est produit mercredi 10 mai au soir lors d’un concert de mobilisation pour le journaliste condamné à cinq ans de prison, dont trois ans ferme. Les eurodéputés ont voté une résolution le 11 mai pour réclamer sa « libération immédiate et inconditionnelle » et pousser les autorités algériennes à respecter la liberté des médias.

« Ce n’est pas grand-chose de penser à des personnes qui sont en prison pour rien. Ils ont publié une chanson, un article, une photo et se retrouvent en prison. » À Paris, sous le chapiteau du Cirque électrique, le célèbre chanteur algérien Hocine Boukella, alias Cheikh Sidi Bémol, a offert sa voix et ses sonorités mi-rock mi-musique traditionnelle kabyle, en guise de pensée pour le journaliste algérien Ihsane El Kadi, lors d’un concert mercredi 10 mai au soir.

Détenu depuis décembre 2022, le patron d’Interface Médias et des deux sites d’information Maghreb émergent et Radio M, mis sous scellés, a été condamné à cinq ans de prison dont trois ferme. Il attend son procès en appel, prévu le 21 mai.

D’autres artistes se sont joints à ce concert de solidarité très festif, notamment le trio féminin Tighri Uzar et les chanteurs Akli D. et Arezki Amziane. Derrière la figure de proue d’Ihsane El Kadi, les artistes se sont mobilisés pour l’ensemble des détenus d’opinion en Algérie : Amnesty International en dénombrait au moins 280 fin 2022. Dans l’assistance circulait également une pétition pour la libération du journaliste et rédacteur en chef du Provincial à Constantine, Mustapha Bendjama, emprisonné depuis le 8 février dernier.


« En prison, les bruits de l’extérieur vous parviennent »


Un concert, c’est un réconfort inestimable, a témoigné entre deux prestations Hakim Addad, ancien détenu : « En prison, les bruits de l’extérieur vous parviennent, par les avocats et les familles qui vous rendent visite, et par les nouveaux détenus qui parlent des mobilisations. En prison cela réchauffe les cœurs. »


Ce militant a été incarcéré pendant trois mois avant d’être condamné à un an de prison par contumace en juillet 2021 pour « incitation à attroupement » et « atteinte à l’intégrité et à l’unité du territoire ». Il avait cofondé le Rassemblement actions jeunesse (RAJ) qui fut aux premières loges du Hirak, la contestation contre le régime née en 2019, avant que le mouvement ne soit dissous par le régime en octobre 2021, dissolution confirmée par le Conseil d’État algérien en février dernier.


« C’est la moindre des choses que les artistes, les intellectuels sortent de leur carcan pour défendre la liberté. La culture elle-même a besoin de liberté », a-t-il plaidé, convaincu qu’« on n’arrive à rien sans mobilisation ». Il espère aussi que les artistes présents à Paris, beaucoup trop sulfureux pour le régime algérien, pourront un jour traverser à nouveau la Méditerranée.


« On est devenu la risée du monde avec ce régime despotique. Dans une Algérie de 2 millions de km2, il est impossible d’avoir 50 m2 pour se réunir », s’est attristé pour sa part Aissa Rahmoune, ancien vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme, également dissoute par les autorités algériennes. Lui-même a été contraint de fuir en France.


Les eurodéputés réclament la libération des détenus d’opinion


Lors du concert, l’attention était aussi tournée vers le Parlement européen, où un vote sur la situation des droits de l’homme en Algérie était prévu ce jeudi 11 mai. Les eurodéputés ont adopté – par 536 voix pour, quatre contre et 18 abstentions – la résolution « La liberté de la presse et la liberté d’expression en Algérie : le cas du journaliste Ihsane El Kadi ».

Dans leur texte, les parlementaires dénoncent le fait que, « depuis les manifestations dites du Hirak en 2019, la situation de la liberté de la presse s’est considérablement dégradée en Algérie ». Ils demandent « instamment aux autorités algériennes de libérer immédiatement toutes les personnes détenues arbitrairement et inculpées pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression, y compris le célèbre journaliste Ihsane El Kadi ».


Marie Verdier


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