« Le régime veut éteindre la dernière bougie de la presse algérienne », s’insurge l’avocat Mostefa Bouchachi. La justice algérienne a décidé de frapper fort. Ce dimanche 26 mars, le procureur de la République près le tribunal de Sidi M’Hamed à Alger a requis une peine de cinq ans de prison ferme à l’encontre du journaliste Ihsane El Kadi, détenu depuis le 24 décembre dernier. Il a en outre requis une amende de dix millions de dinars (68 200€) visant Interface Médias, l’entreprise créée par le journaliste, éditrice des sites d’information Radio M et Maghreb émergent, qui ont été mis sous scellés depuis trois mois. Le verdict est attendu pour le 2 avril.
Ihsane El Kadi, ses avocats et son entourage étaient très pessimistes avant la tenue du procès. Le 24 février dernier, le président Abdelmadjid Tebboune avait publiquement traité le journaliste de « khabardji » (informateur) à la télévision, un terme humiliant signifiant « agent à la solde de forces étrangères » qui était utilisé pendant la colonisation. « Ihsane El Kadi est victime d’un acharnement personnel de la part du président », note un de ses proches.
L’Algérie élue au Conseil des droits de l’homme de l’ONU
Josep Borrell, le haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères, s’en était inquiété le 13 mars dernier, lors d’un entretien avec le président Tebboune. Dans sa déclaration à la presse, il avait fait valoir les « responsabilités particulières » qui incombent à l’Algérie en matière de protection des droits fondamentaux comme la liberté de la presse et la liberté d’expression, alors que l’Algérie vient d’être élue au Conseil des droits de l’homme de l’ONU.
Le cas du journaliste et le problème de la liberté d’expression en Algérie ont également fait l’objet d’une session à huis clos au Parlement européen le 21 mars.
S’estimant déjà condamné par le président, Ihsane El Kadi a déclaré devant la cour que les conditions d’un procès équitable n’étaient pas réunies, qu’il y avait violation de sa présomption d’innocence et violation de l’indépendance de la justice. En conséquence, il a décidé de garder dorénavant le silence, rapporte son entourage. Pour Me Bouchachi, « qu’il parle ou ne parle pas ne changerait rien, il n’y avait pas d’autre option que d’aller vers un procès de rupture ».
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